Le passé de la région d'Auzat-Vicdessos sur la période du XIIIe-XVe Siècle


 

  1. La répression du Catharisme :

    Gravure représentant le pape Innocent III en croisade contre les albigeoisSuite à l'assassinat du légat pontifical Pierre de Castelnau en janvier 1208, le XIIIe siècle débute par la croisade contre les albigeois et contre le comte de Toulouse Raimond VI à l'initiative du Pape Innocent III. Les communautés d'albigeois ou cathares étaient présentes dans la région de Foix et Tarascon.
    Le pape décide que la région protégée par Raymond VI devait être purifié de l'hérésie cathare. Le catharisme provient de l'enseignement de Paul de Samosate, évêque d'Antioche, en 260. Cathare, du grec "cataros", signifie "pur". S'opposant à l'église de Rome, la doctrine cathare était dualiste, opposant le Bien et le Mal. S'appuyant sur l'Apocalypse de Jean, les Cathares estiment que Dieu ne peut rien contre le mal sur la terre : le bien toujours vaincu, ne sera victorieux que dans l'éternité. L'homme doit se détacher de la matière pour s'unir à Dieu. Les cathares ne récitent que le "Pater Noster", et, pour eux, l'Eglise est "la putain de Babylone" depuis que l'empereur romain Constantin 1er a reçu le baptême de Sylvestre 1er, considéré comme pape antéchrist. Un unique sacrement, le
    Consolamentum, remplaçait ceux de l'église catholique. Il faisait de celui qui l'avait reçu un Parfait, astreint à une vie chaste et austère. Refusant toute alimentation carné, ces intégristes de la religion mangeaient du pain, des fruits, et parfois du poisson qui était un luxe. Ils portaient des vêtements simples de couleur noir qui contrastaient avec les vêtements d'apparat des dignitaires de l'église de Rome. Souvent par deux, ils battaient la campagne se qualifiant de vrais chrétiens et brandissant les Evangiles comme un étendard.
    Simon de Montfort Raymond VI, qui soutient les cathares dans son comté de Toulouse et au delà est excommunié par le pape Innocent III. Ses domaines sont offerts à ceux qui s'empareront de lui. Bien que le Comte fasse amende honorable en janvier 1209, les chevaliers du nord de la France affluent. Pour la première fois, la croisade est prêchée sur un territoire européen théoriquement chrétien.
    La monarchie capétienne avec à sa tête Simon de Montfort, mène une répression sévère sur la période 1208-1244. L'armée des Croisés est composé de fils de famille sans espoir de devenir des seigneurs, ou de jeune gens que leurs parents empêchent de se marier pour ne pas avoir à partager le patrimoine familial ou encore de petits nobles sans grand avoir. Simon de Montfort est un grand capitaine aventurier qui s'empare des villes et terres au prix d'atrocités perpétrées de part et d'autre avec des répercutions désastreuses sur la population.
    La lutte contre les Cathares a connu plusieurs phases :
    Entre 1209 et 1216, Simon de Montfort s'empare du Languedoc et d'une partie des terres du Comte de Toulouse à la suite de la bataille de Muret le 12 septembre 1213. En 1218, Simon de Montfort est tué lors du siège de Toulouse. Les troupes du roi de France renonce à prendre la ville du Comte Raymond VI toujours rebelle.
    Après 1218, la situation des hérétiques s'améliore. En effet, après avoir assouvi une vengeance effroyable sur la population de la région de Marmande, les Croisés quitte la région. Raymond VII, successeur de Raymond VI va reconquérir progressivement les territoires perdus.
    En 1226, Louis VIII fait campagne pour assujettir le midi en particulier le Languedoc mais renonce à prendre Toulouse.
    En 1229, le comte se soumet au nouveau roi de France Louis IX dit Saint Louis. Le comté de Toulouse demeure entre les mains de Raymond VII sous réserve qu'il revienne à la couronne française si le comte ou ses successeurs meurent sans héritier. C'est ce qui se produit en 1271.
    En 1243, poussé par les quelques seigneurs de son entourage, Raymond VII reprend les armes et signe la paix en novembre par le traité de Lorris.
    L'hérésie Cathare n'est pas pour autant étouffée.
    Peu après 1233, les tribunaux des moines inquisiteurs supplantent l'action militaire contre les hérétiques pourchassés. Ils sont sommés d'abjurer ou de mourir.
    Montségur sur son piton rocheuxDans ce contexte se situe le drame de Montségur qui est un piton rocheux de plus de mille mètres d'altitude à quelques kilomètres de Foix. La communauté Cathare qui y vit constitue l'un des derniers carrés d'hérétiques, véritable défi pour l'ordre religieux officiel. Montségur abrite des révoltés qui lancent des expéditions punitives en assassinant les moines inquisiteurs.
    En mai 1243, après un concile, une expédition militaire se met en place sous le commandement du nouveau sénéchal de Carcassonne, Hugues des Arcis et de l'archevêque Pierre Amiel de Narbonne pour assièger la forteresse de Montségur. Ses murs sont défendus par une garnison d'environ cent cinquante hommes commandés par Pierre Roger de Mirepoix, gendre du seigneur de Montségur. Représentation des Cathares nus suppliciésOutre les familles des seigneurs et des soldats, environ 200 Cathares sont abrités dans le château parmi lesquels l'évêque Bertrand Marty et le théologien Raymond Arguilher. Ravitaillés en secret par la population des alentours, les assiégés résistent pendant dix mois, repoussant tous les assauts, enterrant dit-on, leur trésor, pour éviter qu'il ne tombe entre les mains des assiégeants. Ceux-ci réussissent à se porter jusqu'à la hauteur de la citadelle, bombardée par une puissante pierrière. Au début du printemps 1244, l'eau vient à manquer sans espoir d'être secouru. Le 2 Mars 1244, Pierre Roger de Mirepoix accepte de discuter les modalités d'une reddition. Les assiégeants proposent aux hérétiques la vie sauve à condition qu'ils livrent la forteresse dans la quinzaine et qu'ils abjurent. La plupart des Cathares refusent et restent sur place jusqu'à l'ultimatum. Le 16 Mars 1244, les portes du château s'ouvrent et 215 personnes en sortent se tenant la main et en chantant des hymnes. Une partie de ces convaincus qui ont reçu le "Cosolamentum" se dirigent de leur plein gré vers l'immense bûcher déjà dressé qui les attend. Dès lors ce lieu prit le nom de "Prat dels Cremats". (le camp des brûlés).


  2. L'épanouissement des libertés et les consulats :

    Erigé donc en comté depuis le XIe siècle, la région de Foix connu treize comtes qui se succédèrent jusqu'au XIVe siècle. En 1229, ils se reconnaissent vassaux du roi de France après avoir farouchement lutté pour la liberté.

    Représenttion de Gaston PhébusEn 1245, le servage était appelé à disparaître lorsque le comte Roger IV décida que nul ne pouvait acheter une personne de la communauté de Foix. Mais dans les campagnes une forme affaiblie du servage s'est perpétuée. Certes, le serf n'est pas vendu, il peut s'enrichir, vendre et transmettre des biens mais il est encore soumis à des corvées particulières. Il est taillable à merci et ses biens reviennent au seigneur s'il meurt sans héritier direct.

    C'est en 1272 que le comte Roger Bernard III reconnait les coutumes dans la région de Vicdessos au travers d'une charte libérale à motifs politiques mais aussi économiques. L'avènement du consulat au travers de la charte permet à la communauté de défendre ses franchises et lui donne l'autonomie de gestion. Contrairement aux autres consulats voisins, le consulat de la vallée de Vicdessos (jusqu'à Lamarade inclus) n'est pas dirigé entièrement par son centre. Une partie des consuls était choisie dans d'autres paroisses. Les nouveaux consuls étaient élus ou plutôt cooptés chaque années, par ceux qui terminaient leur mandat et par les conseillers ou notables à la Saint-Jean-Baptiste (le 24 juin). Ils n'hésitaient pas, surtout à la fin du XVe siècle, à se faire tailler sur les deniers publics de luxueuses robes, signe de leur dignité et de l'importance de leur communauté.


    Enluminure représentant des bouquetinsA partir de 1290, le comte de Foix, Roger-Bernard III hérite du vicomté de Béarn par l'intermédiaire de sa femme Marguerite où il élira domicile à Orthez ou à Pau. Il permettra l'épanouissement des libertés de la région du haut pays ariègeois en exerçant sa tutelle par l'intermédiaire d'agents locaux comme les bayles pour les communautés directement sujettes, au dessus les châtelains et enfin le juge mage, le juge d'appeaux, le trésorier et le sénéchal du comte. Ainsi les communautés et en particulier les villes obtiendront la reconnaissance de coutumes.

    Le dernier la dynastie, Gaston Phébus comte de Foix et seigneur souverain du Béarn est le plus populaire. Cet homme puissant donne à Foix sa devise : "Touches-y si tu oses". Il mène grand train de vie et sait recevoir les hommages des consuls et des rois. Il a épousé Jeanne d'Evreux, fille du roi de France Louis Le Hutin, et est devenu le beau frère de Philippe VI. En 1363, il remporte une victoire sur les chevaliers gascons et conclus la paix. Il prend le nom de Phébus car cela signifie le Chasseur ou le Brillant. Il est vrai que ce comte est un passionné de chasse. Il entretien une meute de 1600 chiens. Il écrira un livre sur la vénerie qu'il achèvera en 1391. Le livre de chasse de Gaston Phébus est divisé en 85 chapitres très richement illustré par des enluminures représentant un bestiaire pyrénéen. Il fut un grand classique de la chasse qui intéressa de nombreuses cours étrangères.
    Dans la vallée du Siguer, Gaston Phébus avait sa maison de chasse qui rassemblait les protagonistes des chasses à courre qu'il organisait.
    Il meurt en 1391, sans héritier et laisse le comté à son cousin Mathieu de Castelbon.

    Les consulats pouvaient administrer la ville à l'intérieur et les défendre dans les représentations à l'extérieur. Les consuls avaient le droit d'établir des règlements sur la garde des propriétés foncières, sur les débits de vin, la boucherie et plus généralement sur le commerce dont ils vérifiaient les poids et mesures. Si le comte avait gardé le contrôle entier de la métallurgie, il n'en avait pas moins cédé aux consuls en 1339, le pouvoir de promulguer, de concert avec son bayle, des statuts sur l'industrie lainière et de surveiller toute fraude aux divers stades de la fabrication.




  3. L'activité rurale :

    L'économie était en grande partie rurale. Représentons nous de gros bourgs vivant en économie fermée. Le commerce ne fournissait que des produits complémentaires et chacun s'efforçait de contrôler la source d'approvisionnement pour percevoir des taxes. L'activité agricole était caractérisée par des cultures urbaines soignées dans de petites exploitations demandant une nombreuse main-d'œuvre. Chaque artisan, dont le travail agricole est un complément, possède un lopin de terre. Quelques riches ont des droits de propriété sur plusieurs petites tenures. Ces terres sont surveillées par les gardes-champêtres nommés par les consuls suivant les chartes de coutumes. Cette activité agricole permettait de ravitailler en fruits et légumes, céréales, légumes secs (fèves, pois...) et plantes textiles. Les cultures de plein champ occupent la plus grande partie du terroir.

    Le seigneur accordait libéralement des droits d'usages dans ses domaines incultes qui jouaient le rôle de communaux sauf dans certaines forêts mises en défens. La pêche, pourvoyeuse de truites, et la chasse à l'aide de chiens ou d'oiseaux, privilège habituellement réservé au seigneur, étaient libres. Il suffisait de donner au seigneur du lieu la pièce de venaison, en général un cuissot, pour les grosses prises : cerfs, sangliers, isards. Les forêts et estives étaient étendues et formaient un complément de ressources pour les habitants. Les forêts fournissaient le bois d'œuvre, le bois mort pour le chauffage et le charbon pour la métallurgie, mais servaient aussi, tout comme les estives, de terrains de parcours aux troupeaux pendant la belle saison. Les cours d'eau servaient au flottage, aux forges et d'autres activités artisanales.

    Les domaines sylvo-pastoraux étaient gérés par les consulats qui contrôlaient les coupes et les troupeaux locaux ou accueillis, moyennant redevances. Ils exerçaient le droit de pignora (en lat. : Pignoris captio : saisi de gages) sur le bétail indûment introduit. L'inventaire des cartulaires de Vicdessos et de Miglos fourmille de contestations entre communautés ou particuliers au sujet de l'exploitation des bois ou de l'usage des estives. Lorsque la charge de cheptel devenait trop importante, on débordait sur le versant sud des Pyrénées, à moins que ce ne fût l'inverse, d'où des conflits qui débouchèrent sur les traités de lies et passeries. Les accords de Vicdessos avec le Vall Ferrera située sur l'autre versant du Massif de l'Estats, signés dès 1293 par le comte Roger-Bernard III ainsi que les accords de Siguer ou Miglos avec la vallée andorrane d'Ordino permirent d'établir des règles de bon voisinage. Les troupeaux faisaient la transhumance vers les prairies d'altitude du Vicdessos. Les petits paysans entretenaient dans chaque paroisse un pâtre à frais communs ou allaient eux même à tour de rôle garder le bétail. Un supplément de main-d'œuvre était nécessaire lorsqu'il fallait traire les bêtes et confectionner les fromages. Chacun s'évertuait, même en ville, à entretenir son porc, ses oies, ses poules et ses canards.

  4. L'activité sidérurgique - la mine du Rancié :

    Outre, l'artisanat qui transformait les matières premières locales, la meunerie, le bâtiment et le textile, la métallurgie jouait un rôle de premier plan dans un pays aux sites ferrifères très dispersés. La mine la plus importante, celle de Rancié "la mine aux mineurs" dont les galeries s'échelonnaient de 900 à plus de 1500 mètres d'altitude à Sem, au dessus de Vicdessos et de sa vallée, a fait l'objet de nombreuses chartes à partir de 1272. Les comtes ont d'abord reconnu omnibus et singulis habitatoribus, suivant la formule de la charte de 1293, le droit d'extraire le minerai, de le vendre et de le transporter librement dans toute la vallée jusqu'à Sabart près de Tarascon. C'était englober cette ressource dans les droits d'usage et abandonner la gestion de la mine au consulat de Vicdessos. C'était se conformer d'ailleurs au régime d'utilisation communautaire des richesses minérales, coutumié dans l'ensemble des Pyrénées. Mais l'obtention de fer, grâce aux fours à la catalane, fut assez vite limitée dans la vallée par l'épuisement du bois le plus accessible. C'est pourquoi les consuls de Vicdessos, alors qu'ils s'opposaient à l'exportation du minerai du coté de Sabart, conclurent en 1347 un accord avec le vicomte de Couserans pour l'échanger sans paiement de droits, contre du bois de Massat et d'Ercé. Ceci ne faisait pas l'affaire de la métallurgie installée à Foix. Le sénéchal Raimond d'Albi obtint donc vers 1355 que toute charge de minerai soit soumise à une taxe comtale à son passage à Vicdessos et soit libre ensuite de circuler dans tout le comté. En compensation, les habitants furent exemptés de tout péage pour leurs marchandises dans le comté et même à la sortie de leur vallée sur le versant sud. En 1414, le sénéchal Raimond de Malléon dut établir un règlement pour l'exploitation, par trop désordonnée, de la mine et surveiller les prix et la qualité du minerai. Il en confia l'application à quatre prud'hommes désignés par le bayle comtal et les consuls de Vicdessos.

    Vers 1390, on recensait l'installation de "mouline"(forges à force hydraulique) à Ournac à l'entrée de la Vallée d'Arties à Auzat, Vicdessos et Siguer.

    L'ordonnance de Gaston Fébus du 5 décembre 1349 donnait des débouchés au fer de la mine du Rancier. Elle octroyait à Foix le monopole de fabrication de produits finis par l'apposition de la marque comtale sur tous les objets fabriqués. La production orientée surtout sur la fabrication d'objets aratoires (socs de charrues, houes...) et d'autres objets pouvaient faire l'objet de commerce auprès de n'importe quels marchands grâce à l'application de la marque comtale.

  5. Le commerce :

    Le commerce se faisait à dos de mulet sur d'âpres chemins du Vicdessos entretenus au prix de gros efforts. Le voyage piétonnier s'adressait à des personnes infatigables qui effectuaient dans un pays au relief tourmenté et aux chemins en lacets l'équivalent d'une cinquantaine de kilomètres par jour. Les échanges commerciaux faisaient l'objet de nombreux péages qui étaient établis aux limites du comté ou à l'approche des villes. Mais en raison des fréquentes exemptions accordées par le comte à ses sujets, les droits n'étaient guère perçus que sur les étrangers qui véhiculaient des marchandises.

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