Le passé de la région d'Auzat-Vicdessos sur la période du XVIe-XVIIIe Siècle


  • 1) L'organisation administrative et judiciaire de la région d'Auzat-Vicdessos sous l'ancien régime.

    Depuis 1290, la région appartenait aux états de la maison de Foix-Béarn devenue, en 1481, maison royale de Navarre. Elle montra sa solidarité et sa cohésion en ne démembrant jamais ses possessions. Le comté de Foix ne fut jamais gouverné que par les comtes eux-mêmes.

    Si les cités étaient relativement indépendantes en raison de l'éloignement des comtes, leur autorité s'exerçait localement par le sénéchal, les juges mages et d'appeaux, le trésorier, les bayles et le gouverneur crée au XVIe siècle.

    1. Administration et fiscalité :

      La politique administrative rigoureuse d'Henri II de Navarre (1547-1559) et de ses successeurs s'imposa dans des opérations de rentabilisation du domaine comtal en favorisant les défrichements et les créations industrielles par la mise en place d'une administration des eaux et forêts. Cette administration représentait l'autorité royale par le gouverneur, la sénéchaussée accompagnée du présidial. Ils furent les seuls représentants de l'administration royale à avoir leur siège dans la région de Foix .

      De nombreux bureaux fiscaux opéraient dans le comté. Il y avait à Foix les receveurs de la capitation et des impositions, un magasin général des fers où il était perçu le droit de marque, un directeur de la poste, des commis du contrôle des actes à Foix, Tarascon, des commis des recettes des douanes à Vicdessos, Auzat et Tarascon.

      Les Etats de Foix vigilants par rapport au pouvoir royal, faisaient état de leurs griefs contre les abus administratifs. Cette assemblée composée de membres du clergé, de la noblesse, des communautés de pays siégeait le plus souvent à Foix. Leur rôle premier était de voter et de répartir la levée de l'impôt que le souverain leur imposait. Ils assumaient ce rôle impopulaire en échange du respect de leurs libertés locales.

      L'impôt de base était constitué de la taille régulièrement augmentée pour répondre aux dépenses croissantes des souverains, à laquelle s'ajoutaient en 1695 la capitation et les vingtièmes au XVIII è siècle. Les Etats avaient pris l'habitude de payer une somme globale qu'ils répartissaient sur les communautés. Plutôt que d'appliquer sur les personnes un tarif fixe qui ignorait l'évolution démographique et économique, les communautés imposaient "la taille réelle" sur les biens grâce aux relevés cadastraux. Ces documents permettaient une meilleure connaissance des fortunes et donc débouchait sur une plus grande justice fiscale que le reste de la France ne connut qu'au XIX è siècle. De la "taille réelle" n'étaient exemptés que les biens nobles et non les biens des nobles car les nobles et le clergé possédaient beaucoup de biens roturiers sur lesquels ils étaient imposés.

      S'ils ne purent alléger les charges, les Etats essayèrent par contre de contribuer au mieux être de la population par des efforts en matière d'assistance, d'hygiène, d'enseignement, d'aide économique et de participations aux grands travaux de voirie du XVIII è siècle.

      En plus de cette contribution, les communautés devait se répartir les charges de séjour des "gens de guerre" à partir des réformes de Louvois. Avant cette réforme, durant tout le XVII è siècle, les habitants des petites communautés devaient seul supporter les frais d'étape des hommes d'armes ainsi que leur violence sur la population. Ainsi cela mettait en difficulté financière la communauté.

      A la fiscalité royale se rajoute une fiscalité provinciale afin que les Etats puissent assumer leur fonctionnement et leurs interventions. Les Etats levaient "les frais du pays" représentant en 1786 28,3 % des prélèvements. Il y eu aussi une "Corvée provinciale des chemins" (1737-1756) imitée de la corvée royale, puis en 1768 une "subvention" sur le vin vendu au détail dans les tavernes et aux particuliers qui fut vite abandonnée en raison des troubles violents dans le Vicdessos et à Foix.

      La "mande" qui représentait l'ensemble des charges fiscales était alourdie d'un troisième niveau de prélèvement au bénéfice des villes qui devaient répondre à leurs propres dépenses.

      Même si les prélèvements étaient un fardeau pour la plupart des contribuables, la région était privilégiée par rapport au reste du royaume en bénéficiant notamment du maximum de justice fiscale par le biais de la taille réelle.

    2. Les prérogatives seigneuriales :

      Le roi faisait exercer directement sa justice par son sénéchal ou la déléguait aux représentants des villes. Les seigneuries hautes justicières de Miglos, d'Alliat notamment exerçaient le maximum des droits publics pouvant juger jusqu'aux crimes de sang sur leur espace d'autorité. Associés à cette charge de haute justice, s'ajoutaient le droit de percevoir des amendes, le "droit de sang" lors de rixes, le droit de saisir le bétail en délit de pacage, le droit de nommer des consuls et de contrôler leur gestion. Partout ailleurs, la justice royale s'appliquait.

      D'autres familles, sans avoir cette charge de haute justice, exerçaient des droits importants sur les forêts et montagnes en étant seigneurs fonciers. Ainsi, ils percevaient le loyer de la terre ("le cens" en argent ou "l'agrier" qui est la part de fruits très rare dans le haut pays), les droits de mutation.

      Les corvées et les banalités qui rendaient obligatoire l'utilisation du moulin, du four ou de la forge appartenant au seigneur n'étaient pas en usage dans la vallée. Les "leudes" ou péages et les droits sur les marchés étaient un revenu seigneurial important. Les montagnes et forêts étaient propriétés seigneuriales, mais étaient largement ouvertes aux habitants qui en avaient l'usage de pacage, de coupe de bois de chauffage, de bâtisse, de chasse et de pêche. Ces usages étaient généralement gratuits pour les habitants du lieu, soumis à une redevance symbolique de fromage d'orry pour les communautés voisines et à un droit de forestage ou de pacage pour le bétail étranger.

      A ces rapports matériels, les seigneuries s'octroyaient des droits honorifiques (place à l'église, rang, etc…) qui à eux seuls justifiaient l'achat de seigneurie.

      Les consulats ou administrations communales:

      La plupart des communautés du comté de Foix étaient dotées d'un consulat, les autres n'ayant que des syndics ou jurats ou prud'hommes. Depuis la charte comtale de 1293, le comte de Foix accordait à la vallée du Vicdessos certaines "libertés" en particulier le droit d'avoir des représentants. La haute vallée du Vicdessos était découpée en quatre consulats (Vicdessos, Auzat, Suc, Goulier). Siguer et la région située entre les consulats de Saurat, de Quié et de Tarascon, relevait de la seigneurie haute justicière de Miglos et était administrée par des syndics et conseillers siégeant à Rabat. Si l'appellation des magistrats municipaux, leur prestige et leur pouvoir différaient, la réalité de leur gestion quotidienne était comparable. Dans le consulat de Siguer, les consuls étaient désignés par le peuple.

      Les quatre consulats de Vicdessos, Auzat, Suc et Goulier englobaient les villages les plus proches de ces quatre agglomérations.
      Chaque Consulat était représenté par un Consul et six conseillers politiques

      La réunion des quatre Consuls et des vingt-quatre Conseillers formait le Conseil Général de la Vallée ou Corps de Ville.
      Le Premier Consul, qui avait le titre de Maire, devait être issu du consulat de Vicdessos. Si certains corps consulaires s'attachaient à une gestion et à un usage en commun des biens du consulat, celui de Vicdessos exerçait une autorité sans partage.

      Lors de la désignation des Conseillers politiques et Consuls, seuls les hommes pouvaient accéder à cette responsabilité.
      Leur mode de désignation a varié au cours des années et a toujours fait l'objet de conflits locaux
      .
      Avant 1706, les Conseillers étaient élus au suffrage restreint par les seuls "Notables" de chaque village qui étaient des propriétaires solvables.

      Après 1706, les Conseillers sont désignés à vie par le "Corps des Notables" de chaque Consulat. Ils ne pouvaient être de parenté trop rapprochée (père, fils, gendre, frère) pour éviter qu'une seule famille ne gouverne tout un village. Les Conseillers politiques élisent parmi eux, pour un an, les quatre Consuls jouissant d'une parfaite considération et ne sont rééligibles que la deuxième année suivant la fin de leur mandat. Ce système oligarchique réservait des fonctions à un petit nombre avec des délais d'éligibilité qui ne pouvaient être respectés en raison du manque de candidats.

      Les vicissitudes de la fonction consulaire :

      Les magistrats municipaux avaient en charge la police urbaine, la gestion fiscale et la justice. De 1536 à1566, des édits et ordonnances ont limité la justice des consuls et établirent un contrôle des élections et des finances communales. En 1547, on déclara incompatible les fonctions municipales et les offices royaux, puisque ceux-ci avaient pour mission de contrôler celles-là. Or les notables, cherchant dans les offices royaux des gains et honneurs, déconsidérèrent la fonction de consul.

      Le Conseil du roi relayé par le Parlement de Toulouse intervenait dans les affaires des communautés en raison des mauvaises gestions communales, des dépenses inconsidérées, des levées d'impôts indues et un exercice de la justice par des hommes qui eux mêmes étaient fort peu honorables et illettrés.

      Le prétexte de la mauvaise gestion fut mis en avant pour remplacer des hommes élus par des nominations sous Louis XIV. En 1692, on vit la naissance des offices municipaux officiellement crées pour mettre fin aux incompétences. Une charge de maire vénale et héréditaire, crée dans chaque cité, fut rachetée à grand frais par certaines communautés. Cette initiative impopulaire fut abrogée par Choisel qui tenta en 1764-1765 d'unifier l'administration municipale dans tout le royaume. Selon leurs importances, les villes auraient un maire et quatre échevins désignés par le roi sur une liste présentée par une assemblée de notables choisis dans les corps sociaux ou seulement deux échevins et trois conseillers élus par les officiers municipaux et des notables démocratiquement désignés. Mais en 1771, pour des raisons fiscales, on rétablit les charges municipales vénales et héréditaires. Ces multiples réformes semèrent le trouble dans les esprits au point d'entrainer des dérives qui nécessitèrent l'arbitrage du roi. A Vicdessos, le maire entra en conflit avec ses administrés. Vergnies avait acquis son office au milieu du XVIII e siècle. Il abusa de son droit de police sur les mines et la communauté voulut racheter sa charge. Il réussit à l'en empêcher et même, après une démission forcée, il est rentré une seconde fois en possession de la fonction.

      Les mauvaises gestions étaient inévitables en raison de l'illetrisme et de l'absence de qualification des consuls et conseillers ainsi que de indisponibilité de ceux-ci du fait de l'insuffisance ou inexistence des émoluments. La situation s'aggrava au XVIIIe siècle, lorsque toutes indemnités furent supprimées pour rendre la charge honorifique et désintéressée. Les Etats de Foix de 1767 protestèrent car la fonction municipale ne permettait à personne d'en vivre et nul ne pouvait quitter son métier pour s'occuper de la charge publique.

    3. Les prérogatives consulaires :

      Le premier consul convoquait les réunions du Conseil qui étaient rendues obligatoire sous peine d'amende. Le Consul et les Conseillers recevaient une indemnité et jouissaient d'un certain nombre de privilèges, en particulier protocolaires et portaient un uniforme ( manteau, chapeau noir et cape couvrant le cou et les épaules)

      L'élection des Consuls et la passation des pouvoirs se déroulaient le 24 juin (jour de la Saint Jean Baptiste) de chaque année et donnait lieu à une cérémonie religieuse à l'église, puis civile à la Maison des Consuls

      Les Consuls sortants rendaient leurs comptes (recettes et dépenses) devant le Notaire du Roi.
      Le premier Consul sortant recevait le serment de son successeur qui lui-même recevait le serment de ses trois autres collègues.
      Puis, comme le veut la tradition, les nouveaux Consuls offraient à leurs Conseillers un repas pris obligatoirement dans leur Maison.
      Aidé du conseil, les consuls devaient veiller au bon ordre et à la tranquillité des habitants comme au bon entretien des édifices et défendre les administrés contre les fiscalités envahissantes des seigneurs, de l'église et du roi.

      Ils pouvaient disposer de personnels qu'ils rémunéraient sous forme de gages peu élevés venant en complément d'une activité principal comme :
      - des syndics représentant la communauté en justice
      - des bayles et sergents pour exécuter les ordres et sentences
      - des trompettes pour les proclamations
      - des secrétaires, mességuiers pour verbaliser les dégâts ruraux ou forestiers
      - des affuraires pour vérifier les denrées alimentaires des marchés
      - des sobrepausatz (qui étaient des préposés contrôleurs des poids et mesures, des préposés horlogers, du personnel fiscal etc…)

      L'exercice de la justice du consul, limité par les ordonnances royales, consistait à réprimer les délits ruraux, la délinquance, la criminalité, à contrôler les marchés de la boucherie, de la boulangerie, à veiller aux bonnes mœurs.
      Leurs décisions et jugements étaient soumis par le bailli au Comte de Foix et au parlement de Toulouse, lequel faisait office de Cour d'Appel pour les jugements. Les décisions les plus importantes étaient soumises au Roi.

      Il avait aussi à s'assurer le bon usage des forêts et du domaine pastoral. Il devait avoir un rôle de gestionnaire des édifices publiques (pont…). La municipalité assumait un rôle d'assistance, de santé et d'hygiène, d'enseignement.

      La cité pouvait bénéficier de recettes propres en prélevant des "octrois" : ou "aides" sur les denrées vendues sur les marchés, les tavernes, bannages (droits de place sur les marchés), pontonage (péage perçu sur les ponts et affecté généralement à la réparation d'édifices). Les "aides" sur le bétail, la boucherie, le vin, le sel, l'huile, étaient levées notamment à Vicdessos, Siguer.

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