Les conditions de vie dans la région d'Auzat-Vicdessos sur la période du XVIe-XVIIIe Siècle


  • 3) Les conditions de vie des habitants dans la région d'Auzat-Vicdessos sous l'ancien régime.

    1. L'habitat et mode de vie :
      Les villes et villages disposaient d'un patrimoine tels que fontaines, lavoirs, digues, ponts, chemins, horloges, murs, etc… qui nécessitait des investissements d'entretien à la charge des habitants. Il ne se passait pas une année où l'on ne fut obligé d'engager de lourds investissements pour réparer un pont, refaire des voies pavées pour ne pas s'embourber, entretenir des chemins d'accès en montagne etc….

      Dans les villes en raison des faibles surfaces de sol favorable à leur construction, les maisons étaient étroites et hautes avec 4 ou 5 niveaux, l'un servait de cave-réserve, de boutique le cas échéant , 2 ou 3 niveaux d'habitation et un de grenier. Un étage correspondait généralement à une seule pièce.

      En raison des contraintes d'exposition et de l'exiguïté de la zone favorable à la construction, les villages présentaient une structure serrée de hautes maisons jointives. Plus larges qu'en ville, ces maisons avaient généralement 2 niveaux, le rez de chaussée servant au bétail et l'étage aux hommes avec ses deux pièces habituelles, l'une servant de cuisine - salle à manger - chambre, l'autre parfois de chambre mais aussi de réserve ou de fenil. L'habitation était chauffée par l'âtre et le bétail qui se trouvaient au rez de chaussée.

      La promiscuité était grande et souvent les parents couchaient avec leur bébé au risque de l'étouffer. Le lit étroit, était la pièce maitresse de l'ameublement souvent apporté en dote par l'épousée, il était garni d'un matelas (paillasse), d'une couette et de coussins de plumes, de couvertures de draps et entouré de rideaux. Des coffres, une armoire contenant nappes et serviettes, la table à manger, des bancs, et quelques chaises garnissaient l'espace d'une maison populaire.

      La vaisselle ordinaire se composait d'écuelles, de plats, de gobelets en terre ou étain et des ustensiles de cuisson tels que poêles, chaudron, pots, grils, crémaillères. Chez les plus aisés, on trouvait des faïences de couleurs, couteaux, couperets, moulin à café, cafetière, huiliers, fers à repasser, pots de chambre. Chez les riches, on possédait couverts en argent, porcelaine, service à café, sucriers, verres à liqueurs. Eux seuls détenaient des chaises percées

      Sur la table, on retrouvait les mêmes disparités sociales. Chez les gens ordinaires, on mangeait des céréales, du maïs et à partir du milieu XVIII e, la pomme de terre. Le pain était une nourriture de fête à la campagne ou un symbole d'aisance en vallée du Vicdessos où le pain blanc était appelé "
      Pa de la fargo" (pain de forgeurs). L'importance du vin dans l'alimentation est attestée par la révolte d'opposition que suscita en 1784 "la subvention" perçue sur le vin vendu au détail. La consommation de viande était exceptionnelle à la campagne. On mangeait du porc salé, une poule parfois, du gibier que procurait le droit de chasse. On disposait aussi des œufs,du fromage, du lait et des produits du jardinage (choux, lentilles, haricots, fèves, pois, ail, oignons, salades), des fruits.

      En ville, l'alimentation était plus riche du fait de la présence sur les marchés de viande de mouton, de veau, et de bœuf, du poisson de mer et de rivière, des œufs, de la volaille, du gibier et des fruits.

      La qualité de l'alimentation était variable selon la situation sociale, mais on constate un incontestable appauvrissement au XVIIe siècle à la révolution. (La portion moyenne de viande passait de 42 g/j en 1655, à 5 g en 1783).

      Dans les campagnes, les paysans étaient assez grands mais peu robustes à cause de leur carence alimentaire qui leur donnait un teint jaune et blafard.

      L'habillement était un élément de reconnaissance sociale :
      Les paysans allaient pieds nus pour économiser les sandales des jours de fête et les sabots de jours de pluie ou de froid. Ils revêtaient une chemise, une veste, un gilet, des guêtres, culotte et bonnet, pèlerine ou houppelande. Les femmes s'habillaient avec une chemise, un jupon ou cotillon, une robe de drap avec tablier, foulard.
      La population bourgeoise portait au XVIIIe redingote avec montre, bas de soie, souliers, chapeau pour les "messieurs" et corset, jupons de couleurs et d'étoffes variées, bas de soie et coiffes de mousseline pour les dames.
      Les costumes de la noblesse se distinguaient par la richesse de leur confection et accessoires (décolletés, dentelles, satins etc…) et le port de bijoux.

    2. La santé publique :
      La santé était une affaire publique confiée à un médecin gagé par les villes. Il devait soigner les plus pauvres gratuitement à domicile ou à l'hôpital. Il pouvait demander aux plus aisés 10 ou 15 sous dans les villes et 20 à 30 sous dans les villages du consulat et s'attribuer des indemnités dans les périodes d'épidémies.

      La peste affecta à plusieurs reprises la région de la plaine, mais épargna relativement les campagnes de Haute Ariège. Pour remédier à ces épidémies, et plutôt que d'isoler les régions contaminées, on essaya de promouvoir à partir du XVIIe siècle les mesures d'hygiène publiques dans les villes.

      Les maladies courantes étaient les fièvres, la maladie de la pierre, les fluxions, l'hydropisie et autres infirmités. Les soins médicaux se cantonnaient à une meilleure alimentation, ou à rechercher un meilleur air pour quelques mois, boire du lait d'ânesse contre la toux, faire des saignées, donner quelques médicaments qui coûtaient fort cher pour le petit peuple, administrer cataplasmes, sels sédatifs et vomitif à base d'ipéca.

      Avec la proximité des eaux thermales, les habitants de la région se soignaient aux eaux d'Ussat voir d'Ax les Thermes.

      La région disposait d'hôpitaux. Celui de Tarascon fonctionnait avec peu de moyen auquel les Dames de la Miséricorde donnaient une part de leur quête. Le curé Henri des Innocens en avait fondé un en 1705 à Niaux. Vicdessos empruntait en 1752, pour répondre aux besoins de subsistance de simples maisons de refuge pour les pauvres de la vallée, car les œuvres de charité ne suffisaient pas pour répondre aux situations de crise.

      La mortalité péri-natale était élevée en raison de l'insuffisance de la compétence des sages femmes qui étaient gagées par les villes. Elles n'étaient guère plus savantes que les femmes de brassiers qui exerçaient dans les campagnes. Face à ce fléau, les consuls jugèrent nécessaire que les sages femmes suivent des formations.

    3. Les grands fléaux :
      Si la peste fut la grande obsession, l'âpreté de l'environnement montagnard fut aussi une raison de crainte.
      • Les catastrophes naturelles marquèrent, par l'impuissance des hommes devant des orages dévastateurs, des crues de torrents ravageant les maisons de villages et les cultures, des avalanches comme celle qui détruisit le village d'Ournac près d'Auzat au XVIIIe siècle.
      • Les bêtes sauvages étaient d'autres dangers. Les ours et les loups étaient source d'insécurité en décimant le bétail. Ils alimentaient rumeurs et légendes qu'entretenait l'animosité et la peur vis à vis de ces animaux. Une guerre sans merci s'engageait au point de citer en héros les exploits de certains chasseurs. Par exemple, dans l'Aston, 114 ours ont été tués dans l'espace de 53 ans au XVIIIe siècle. Le Chasseur d'ours d'Auzat, Joseph Naudy s'était fait un nom en tuant 1500 isards dans sa vie.
      • Dans les villes, l'architecture serrée de l'urbanisme favorisait des catastrophes en sinistrant plusieurs maisons et familles en cas d'incendie.
      • L'absence d'hygiène dans les villes était un autre souci. On nourrissait dans les rues chèvres, brebis, vaches, cochons, volailles. On polluait les fontaines et cours d'eau par les activités de nettoyage de produits d'animaux ou de rejets domestiques. On était loin de tenir les coins des rues nets et propres. Le fumier était entreposé dans la rue et on s'inquiétait moins de l'infection qui incommodait le voisinage que de sa perte lorsqu'il était entrainé par des pluies violentes.
        Tous les déchets domestiques partaient dans la rue. On parvint à réglementer le vidage des pots de chambre par la fenêtre à certaines heures. A la fin du XVIIIe siècle, les immondices s'accumulaient dans les coins de rue et on finit par les faire enlever certains jours de la semaine par tombereau.

    4. La délinquance :
      Rixes, insultes, vols, coups et blessures étaient le lot de l'insécurité qui régnait dans les concentrations urbaines obscures

      Il y avait des affaires plus graves comme celles qui font connaitre des bandes qui rançonnaient le Vicdessos au XVIe siècle, leurs émules au XVIIIe siècle volaient charbon et fer dans les forges et forçaient la porte des églises. La proximité de la frontière donnait des idées à des bandes organisées de voleurs détrousseurs et contrebandiers.

      D'autres, défiaient systématiquement l'autorité royale, seigneuriale et consulaire là, où les accès difficiles du relief empêchaient les représentants de l'autorité de sévir.

      La délinquance pastorale et forestière fut quotidienne dans la région d'Alliat, Niaux et dans la montagne. Partout, c'était coupes de bois prohibées, défrichements illicites, délits de chasse et de pêche... L'usage du pacage des troupeaux en altitude donnait lieu à des conflits violents


    5. L'éducation :
      La haute vallée ne connaissait que l'enseignement primaire dispensé par les régents. Beaucoup de ces régents étaient des clercs ou alors, les conseils de ville désignaient des personnes sur recommandation d'un notable. L'absence de candidats ou de difficultés financières pouvaient interrompre la scolarité pendant de long mois voir des années. En 1741, à Vicdessos, faute d'avoir trouvé un maître, les enfants "croupissaient dans l'oisiveté et l'ignorance".

      En principe, il y avait deux régents à Tarascon et un à Vicdessos qui devait être aussi organiste de l'orgue de l'église. On faisait classe de la Toussaint à début septembre avec un jour de congé par semaine généralement le jeudi et deux mois de vacances.

      L'exercice de la religion prenait une grande place dans l'enseignement, car il participait à l'acquisition des fondements de l'éducation et des bonnes mœurs.

      La salle de classe souvent vétuste était meublée de tables, de bancs, de tableaux noirs et chacun le samedi devait apporter quelques bûches pour la chauffer. La classe était souvent perturbée par les séances du conseil de ville.

      La classe était réservée aux garçons. On se préoccupa de l'éducation des filles à partir du XVIIe siècle grâce aux Régentes de Caulet qui accueillaient les fillettes notamment à Vicdessos. Elles étaient rémunérées 20 livres alors que le régent touchait 80 livres.

      Ces petites écoles donnèrent à quelques enfants du haut pays les moyens d'accéder à la culture et de devenir l'élite intellectuelle et sociale.
      Par exemple Jean-François Pilhes (1746-1832) à Tarascon, utilisa ses relations avec les plus grands praticiens de son temps pour promouvoir les eaux d'Ax et d'Ussat dont il établit en 1786 la première analyse chimique.
      Joseph Rouch, procureur de Vicdessos, possédait en 1769 cent cinq ouvrages essentiellement de religion et de lettres latines.
      Mais la grande masse de la population demeurait illettrée et utilisait surtout la langue occitane pour communiquer.

     Retour haut de page /Retour Page histoire/ Retour Accueil /