La situation politique dans la région d'Auzat-Vicdessos durant la période de 1848 à 1940


  1. La seconde république débute le 24 février 1848 avec l'abdication du roi Louis Philippe. Après la constitution d'un gouvernement provisoire qui est chargé de consulter le peuple, les démocrates ariègeois créent une commission avec Clément Anglade et Adolphe Garrigou. Le tarasconnais Victor Pilhes est nommé au poste de commissaire du gouvernement provisoire. Aux élections du 23 avril 1848, l'Ariège doit élire 7 députés à la Constituante. Seront élus Clément Anglade, Firmin Darnaud, Xavier Durrieu, Frédéric Arnaud, Antoine Casse, Théodore Vignes et Galy-Cazalat, Victor Pilhes et Germain Sarrut. Ces élus, issus de la bourgeoisie, sont garants de l'ordre et du respect de la propriété. Pilhes en tant que commissaire du gouvernement se trouve victime de critiques à son égard après le refus du pouvoir politique parisien amnistier les montagnards qui avait perpétrés des dévastations dans les forêts. La République modérée et sociale n'avait pas pu résoudre la question forestière et l'impôt sur le sel. Le peuple est gagné par une frénésie démocratique après s'être fait imposer des mesures qui contrariaient les usages. Il a appris à se méfier de la bourgeoisie et adopte une constitution qui établit une assemblée législative unique et un président de la république élu pour quatre ans

    Le 20 décembre 1848, les paysans ariègeois plébiscitent le prince Louis-Napoléon à la présidence de la république

    Aux élections du 13 mai 1849 à l'Assemblée législative, les républicains-démocrates l'emportent avec Anglade, Arnaud, Vignes, Victor Pilhes, Rouais et Pons-Tande.

    Le 13 juin 1849, lors d'une journée insurrectionnelle, Pilhes est arrêté, les armes à la main. Il est déchu de ses responsabilités et condamné par la Haute Cour de Versailles à la détention perpétuelle. Pour son remplacement, le préfet de police Pietri impose la candidature du général Pelet, héros de la grande Armée et présenté comme le champion de la république et de l'ordre. Celui -ci est élu promettant de s'engager sur la question de l'impôt sur le sel, la protection du fer ariègeois et l'amnistie forestière.

    La question forestière restait en suspens. Des voix s'élevaient en Ariège pour faire cesser cette situation et donner satisfaction aux populations de montagne par des affouages. Le député Clément Anglade propose un amendement dans la discussion du budget de mai 1850 en transférant aux collectivités territoriales l'admisnistration des forêts, ce qui pouvait faire faire des économies à l'état. Mais l'assemblée conservatrice adepte de l'ordre refuse ce texte.
    Le gouvernement adopte des mesures de plus en plus autoritaires pour prévenir le désordre et ne tarde pas à mécontenter un nombre croissant de citoyens
    Le mandat de Louis-Napoléon s'achevant en1852, celui-ci prend de vitesse le gouvernement par le coup d'Etat du 2 décembre 1851. L'opposition républicaine tente de résister dans la capitale. Anglade est arrêté et autorisé à rentrer en Ariège. Les six représentants ariègeois entre en dissidence. Quelques républicains locaux manifestent leur mécontentement mais l'armée ramène le calme en Ariège.

    Le vote des 20 et 21 décembre 1851, apporte toute la reconnaissance populaire du coup d'Etat de à Louis-Napoléon. Le bonapartisme, synonyme de gloire, d'ordre, et surtout, de remises des amendes pour délits forestiers est déjà accepté. Louis-Napoléon est chargé d'élaborer une nouvelle constitution. Elle sera adoptée le 14 janvier 1852

    Le vote des 21 et 22 novembre 1852 sur le rétablissement de l'Empire donne une écrasante majorité au régime et lamine l'opposition républicaine.

  2. Durant la période du second empire, dès le 2 décembre 1852, le régime doit faire face aux rigueurs climatiques et aux épidémies.
    En 1854, le choléra s'abat sur la région faisant de nombreuses victimes chez une population peu préoccupée par l'hygiène.


    Après quelques années difficiles, la situation économique des campagnes s'améliorait. Les récoltes étaient bonnes et le bétail se vendait bien. Mais la densité des montagnards trop élevée pour tirer un revenu suffisant pour nourrir les familles conduisait à des exodes définitives.
    Les petites activités industrielles locales comme les forges et le textile étaient sur le déclin. Le traité de commerce de 1860 a signifié le glas de ces activités qui étaient en concurrence avec les régions industrieuses du Nord et Nord-Est.
    L'aspiration au mieux être, que la population pouvait trouver à la ville, amplifia l'exode en montagne.

    Le régime met en place un système préfectoral tout puissant qui décide que le département devra être divisé en deux circonscriptions. Les candidats officiels étrangers à la région comme Henri Didier, frère du préfet, avocat, et Adolphe Billault seront élus. Par un réseau de conseillers généraux, de juges de paix, de maires, le préfet muselle l'opposition dans la région.

    En 1868, ce régime autoritaire se lézarde. Les lois libérales sur la presse et le droit de réunion favorisent le réveil de l'opposition. Les mauvaises récoltes de 1867 provoquent la flambée des prix. Aux élections de 1868, l'opposition présente avec trois candidats ( Anglade, Vidal et Cyprien de Bellissen) fait campagne. Les candidats soutenus par la préfecture, Théodore Dénat et Rivière sont élus mais la voix de l'opposition montre son nez. La libéralisation du régime offre plus de liberté aux organes de presse. L'opposition se prenait à espérer pour les élection de 1869. Arnaud, Pilhes et Pons-Tande font une campagne soutenus par le "journal de l'ariège", mais la déroute des républicains est totale. Les candidats officiels Dénat et Buisson l'emportent largement. A la consultation du 8 mai 1870, les électeurs plébiscitent massivement l'empire.

  3. La troisième république est proclamée le 4 septembre 1870. Les républicains font appel à Clément Anglade pour diriger le département. Dans un contexte de menace prussienne aux frontières, deux organes de presse sont créés pour galvaniser les ariègeois au sentiment républicain. "La patrie en danger" créé par Adolphe Assier avocat à Foix et "l'Ariège républicaine" fondé par Ernest Joffres.

    Les élections législatives du 8 février 1871 doivent renouveler les figures de la politique ariègeoise tels que Clément Anglade, Arnaud, Pilhes, Vignes. Mais les républicains veulent poursuivre la guerre jusqu'à la victoire alors que les conservateurs représentés par des notables comme Henri de Saintenac, Saturnin Vidal étaient résolument pacifistes. Finalement les conservateurs gagnent les élections dans le département. Vicdessos vote largement conservateur avec 84 % des voix contre 16 % pour les républicains.

    Après l'échec de ces élections, Clément Anglade démissionnaire au lendemain du 8 février 1871 reprend en main le courant républicain autour de l'Association Républicaine de l'Ariège. Un nouveau journal, "l'Avenir de l'Ariège" voit le jour sous l'égide de son fondateur Gaston Massip. Une entreprise de séduction orchestrée par les républicains vis à vis de la population ariègeoise aboutit à la victoire aux élections cantonales d'octobre 1871. Le républicain Louis Laborde avocat et conseiller général de Foix est élu à la présidence du Conseil Général.

    Le mouvement communard de la capitale est rejeté par le monde paysan ariègeois en raison des effets déstabilisants du mouvement socialiste et anarchiste.

    Aux législatives du 20 février 1876, la loi du 30 novembre 1875 instaure le scrutin uninominal à deux tours avec le vote par commune. Les circonscriptions correspondaient aux arrondissements. A cette élection, les républicains se font piéger. Les électeurs votent plus en rapport avec le charisme des candidats que sur les idées républicaines qu'ils prônent. L'intérêt économique immédiat et le pragmatisme prévalent. L'électeur apprécie les candidats sur leurs positions en matière de l'application des droits d'usage, du développement du fer, de la construction des voies ferrées, mais aussi sur la répartition des indemnités à la suite des inondations de juin 1875 provoquées par la conjugaison de la fonte des neiges et de pluies torrentielles.

    La crise du 16 mai 1877 provoque la dissolution de la chambre et des nouvelles élections ont lieu le 14 octobre 1877. Les républicains, avec son chef de file Clément Anglade, reprennent le terrain perdu sur les conservateurs. Le prestige d'Anglade rejaillit sur l'ensemble du département. Il est élu sénateur en octobre 1880 avec 300 voix sur 382 votants.

    Les élections du 21 août 1881 confirment l'hégémonie des républicains sur la droite ariègeoise. Les lois des années 1880 sur l'enseignement, la liberté de la presse, l'élection des maires par les conseillers municipaux, la liberté d'association pour les ouvriers et les patrons, sont des mesures qui doivent ancrer la république.
    Le clergé, allié des conservateurs, fustige l'œuvre de la république. En 1882, le prêtre d'Auzat suscite dans la population la peur de l'école laïque. Les démons personnifiés par les instituteurs empêcheraient d'apprendre la religion et aux filles de faire leur première communion. Les parents qui laisseraient entre les mains de leurs enfants les manuels d'instruction morale et civique seraient menacés d'excommunication. Les calamités et les fléaux qui touchaient les paysans seraient les conséquences de l'administration républicaine.
    En 1885, le combat électoral est âpre. Le clergé met tout dans la bataille au côté des conservateurs pour imposer les valeurs catholiques chez une population très religieuse. Il met en jeu un prêtre dans les circonscriptions nécessiteuses contre l'échec des républicains. Le préfet réagit en demandant au ministre des cultes de sanctionner les prêtres ariègeois ainsi que Monseigneur Rougerie jugé responsable. En décembre 1885, les traitements des prêtres en cause sont suspendus sauf celui de l'évêque.
    Le curé de Goulier et Olbier écrit une lettre au préfet en janvier 1886 très acide. "Enfant de la vallée du fer, je saurai me rendre digne de mon pays en vous résistant jusqu'à la dernière goutte de mon sang. Je méprise les hommes de votre trempe qui pour anéantir Dieu et son Eglise, foulent à leurs pieds les droits les plus sacrés".

    Au service des républicains, un nouvel organe "La dépêche de Toulouse" s'affirme en Ariège au coté de "l'Avenir" et de la "République". Le préfet est la pièce maîtresse pour imposer les réformes voulues par la république. Il a la haute main sur les fonctionnaires et tout particulièrement les instituteurs.

    En 1889, les élections législatives se profilent. Un candidat déjà conseiller général de Vicdessos depuis 1888, brigue les suffrages au congrès républicain de foix le 22 juillet 1889 : C'est
    Théophile Delcassé. Il s'opposera au Conte de Narbonne Lara conseiller général de la Bastide de Sérou qui est un conservateur boulangiste. Delcassé triomphe et mettra les conservateurs en mauvais posture dans la région.
    Cette victoire est pour lui un tremplin pour des responsabilités politiques nationales.
    Théophile Delcassé s'entoure de fidéles régionaux comme George Reynald avocat et maire de Foix en 1901. Ses adversaires sont les conservateurs en chute libre, les socialistes et les radicaux socialistes. Il met tout son poids politique pour obtenir 106 kilométres de voies ferrées en Ariège sur les 500 kilomètres construites en France.

    En 1893 et 1898, Delcassé doit être des plus combatifs pour l'emporter. En 1898, il s'opposait à Raoul Lafagette conservateur du musée de l'Ariège, poète auteur de nombreux ouvrages sur les Pyrénées et radical socialiste. En 1906, Delcassé l'emporte contre Auguste Delpech, radical socialiste, ancien professeur au lycée de Foix, conseiller général de Quérigut et sénateur depuis 1894 haut dignitaire du grand Orient de France, co-fondateur de la ligue des droits de l'homme.
    En 1910, il affronte le fils Lafagette : Roger, fils de Raoul, brillant avocat de 27 ans, délégué du comité de Foix au congrès radical-socialiste de Nantes en Octobre 1909. Les élections, émaillées d'incidents, tournent à la faveur de Delcassé. Au élection de 1914, il est réélu.

    La guerre 14-18 a laissé de profondes traces dans les corps et les esprits. Les jeunes gens empreints de patriotisme, quittèrent leur village souvent pour la première fois, persuadés que la guerre serait courte. Mais nul ne pouvait s'imaginer le cauchemar de ces quatre années.
    Des élections doivent se tenir en 1919 dans un contexte national et international perturbé.
    Après trente années de vie politique,
    Théophile Delcassé se retire. Trois candidats se présentent sur une liste de concentration républicaine avec un programme radical socialiste. Ce sont Paul Laffont, Roger Lafagette et Perre Cazals. Le radicalisme triomphe dans cette consultation, mais la menace se précise à gauche. La révolution bolchévique inquiète ; les idées socialistes progressent. Le militantisme politique d'agents de la fonction publique (instituteurs, agents des postes) a du mal à convaincre le monde paysan qui est toujours aussi peu perméable aux idées nouvelles.

    Les élections de 1924, renouvellent dans leur mandat, les trois députés sortants. Ce succès radical dissimule la lente évolution du paysage politique. La droite cléricale entame un processus de redynamisation. La gauche moribonde, suite à la scission au congrès de Tours, doit se remettre en ordre de bataille avec les socialistes Surry, Naudi et Alexandre Rauzy et les communistes Etienne Carol et son épouse et René Garmy et son épouse qui étaient tous deux instituteurs à Marc. Le parti Radical se repose sur ses acquis.

    Aux élections de 1928, le candidat S.F.I.O., Alexandre Rauzy l'emporte pour la première fois au second tour de scrutin, et qui plus est se retrouve le benjamin de la nouvelle assemblée. Laffont est aussi élu mais ces élections ont été entachées d'irrégularités.
    La crise de 1929 frappe la région. Les denrées de première nécessité se renchérissent et le chômage sévit. La mine du Rancié ferme en 1931, les hauts fourneaux de Tarascon cessent leurs activités. Les campagnes sont alors touchées. Paul Laffont, alors sénateur depuis 1929, fait état de la gravité de la situation devant ses collègues du Conseil Général à la fin de l'année 1934.
    L'Ariège se passionne pour les joutes politiques. Les meetings sont de plus en plus prisés par les militants et les curieux. En mars 1933, Paul Faure, secrétaire général de la S.F.I.O. et ami personnel d'Alexandre Rauzy, fait une réunion publique à Foix devant plus de 2000 auditeurs.

    En 1936, dans un duel gauche-droite, les trois socialistes, François Camel, Daniel Soula et Alexandre Rauzy sont élus députés sous la bannière du Front Populaire. La victoire de ces candidats donne lieu à des rassemblements de liesse.

    Mais après l'état de grâce des premiers mois, les difficultés au quotidien reprenent vite le dessus. Les années qui ont suivi la crise de 1929 ont été difficiles pour le monde du travail. A l'inverse du monde ouvrier qui a été rapidement satisfait par des mesures salariales, le monde paysan ne voit rien venir. Le socialiste Alexande Rauzy souhaitait un soutien de l'état vis à vis des interêts des montagnards.
    Très vite des divergences politiques se font jour entrainant l'éclatement du Front Populaire.
    L'attrait de la ville avec ses emplois industriels et les postes administratifs distribués par les élus a eu raison des rudes traditions montagnardes qui étaient vivaces jusqu'à la première guerre mondiale. Le mouvement d'exode et de dénatalité de la montagne devenait d'ores et déjà inexorable.
    La situation politique internationale devenait préoccupante avec l'avènement de pouvoirs forts dans les états voisins.

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