La construction du barrage d'Izourt

Les anciens qui ont connus jeunes, la haute vallée d'Artiès avant la construction du barrage appréciaient la tranquillité des lieux pour l'activité pastorale. IzourtLes nombreux orris, dont certains furent engloutis lors de mise en eau et d'autres aujourd'hui abandonnés sur l'espace montagnard, témoignaient de cette activité. Mais les intérêts géopolitiques et économiques de la fin des années 30 se souciaient peu de l'état d'âme des bergers. Le gouvernement français de l'époque favorisa la réalisation de grands travaux pour augmenter la production d'électricité et les industries liées à l'armement.

La "Société hydroélectrique des Pyrénées" eut pour projet la construction en vallée du Vicdessos d'un système de plusieurs retenues d’altitude. La constructions des retenus parallèles de Gnioure et d’Izourt reliées en aval par une conduite forcée transperçant la montagne, était destiné à alimenter en aval à 1176 m une centrale hydroélectrique à Pradière qui devaient desservir dans la vallée, l’usine d'aluminium d’Auzat et plus loin, celle de Sabart à Tarascon sur Ariège.

Pour le projet d'Izourt, la "Société hydroélectrique des Pyrénées" envisageait de domestiquer les eaux, d'un bassin aux confins des Pics du Tristagne et du Fourcat, en obstruant le lit impétueux du ruisseau d'Artiès à l'issue du talweg glacière à 1645 m. Dans cette zone granitique où la vallée se resserre, il suffisait d'élever sur une base de 30m un mur de 46 m de haut sur 162 m au plus large pour obtenir un réservoir de près de 7,50 millions de mètre cubes d'eau

Alors que les besoins de l’industrie allaient croissant, notamment pour l’aéronautique, et que la guerre menaçait, l’achèvement du projet revêtait une importance nationale. Les services préfectoraux autorisèrent donc la société à recourir massivement aux travailleurs étrangers, essentiellement transalpins.

izourt

Entre 1937 et 1940, c'est 349 travailleurs qui participaient à ces chantiers titanesques dont 180 étaient Français, 107 Italiens, 39 Espagnols, 18 d'Andorrans, 2 Polonais, un Suisse. La population étrangère la plus représentée était transalpine. Recrutés pour certains sur place, d’autres venus directement d’Italie avec un contrat de travail de quelques mois, il s’agissait d’hommes seuls, célibataires ou ayant laissé leur famille au pays. Beaucoup étaient habitués aux chantiers d’altitude et avaient déjà oeuvré auparavant sur d’autres sites comparables.

implantation baraquements IzourtA 1650 mètres d'altitude, les travaux débutèrent par la construction de divers baraquements pour y loger le personnel. On avait quand même pris soin de les bâtir en pierres, afin qu’ils puissent résister aux intempéries. Situés sur la rive droite, immédiatement en aval du mur de retenue, on peut, aujourd'hui encore, en observer les traces. On mit en chantier également à 1176 mètres l'emplacement de la centrale électrique de Pradière. La construction du téléphérique (avec sa gare d'arrivée et de départ et les pylônes intermédiaires) était la pièce éssentielle pour l'acheminement du matériel lourd servant à la construction du barrage.

A cette époque, les moyens techniques de génie civil était limités. On disposait de quelques engins mécaniques trop lourd pour être acheminé en altitude. Les moyens de transport pour l'altitude étaient la force animal et l'usage des élingues, filins, torons pour faire cheminer des pièces lourdes sur de petites distances, les wagonnets sur rail, et le téléphérique pour faire parvenir le matériel et les pièces lourdes. La pierre extraite sur place par explosif et taillée pour faire les parements du barrage était acheminée par wagonnet. Le ferraillage et le ciment pour faire le béton sur place arrivaient par le monte-charge.

La construction du barrage d'Izourt fut marquée par un accident dramatique au cours du mois de mars 1939. Une tempête particulièrement violente contraignit à interrompre les travaux. Le 24 mars 1939, à 7 h 30, la tempête redoublait de vigueur. Balayés par de puissantes rafales de vent, deux bâtiments fragilisés par le poids de la neige accumulée s'effondraient. Immédiatement, les premiers secours s'organisèrent sur place, malgré des conditions météorologiques extrêmes. Les installations électriques avaient été endommagées. Il fallut attendre le début de l'après-midi pour que les premiers secours puissent intervenir en empruntant le téléphérique.

Durant la journée du 25 mars 1939, l'évacuation des premiers blessés commença. Malgré une interruption du téléphérique due à une avalanche, dans la soirée, la décision d'évacuer le site fut prise par le préfet. Ce n'est que plusieurs jours plus tard, avec l'aide des skieurs de la 81e compagnie de Régiment d’Infanterie Alpine (RIA) de Montpellier, que les corps de toutes les victimes pourront être redescendus dans la vallée.

Cette catastrophe fit 31 morts, âgés de 23 à 52 ans. Tous seront enterrés dans le petit cimetière de Vicdessos. Parmi eux, 29 étaient italiens.

Privillégiant officiellement la fatalité, en mettant en avant la thèse de l'avalanche, ce n'est que récemment qu'il est admis la thèse de l'accident lié à l'effondrement des barraquements sous le poids de la neige accumulée.

Le barrage fut mis en eau en mai 1940.
Les restes du chantier d'Izourt

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